Clawfinger Interview
Cette interview a été réalisé à Bourg En Bresse le 18 Avril 2006. Manu et Pierre ont suivie Clawfinger sur trois dates Française, Bourg, Annecy et Montpellier et ont renconté Zak Tell.


 

Clawfinger n’est plus aussi populaire qu’il y a quelques années. Qu’est ce qui vous donne le feu sacré pour continuer aujourd’hui ?
Et bien, qu’avez vous pensé de ce soir ? Nous prenons toujours autant de plaisir sur scène. Mais c’est sur qu’à la fin de la journée il y a une réalité à laquelle il faut faire face : nous avons des factures à payer, une famille à nourrir. Et le jour où nous ne pourrons plus assurer cela, ce jour là, on sera cuit. C’est aussi simple que cela. Economiquement parlant, ce n’est pas une très bonne période pour nous. Mais nous nous en sortons, nous gérons notre argent de manière intelligente. Donc ça marche, mais ce n’est pas facile, nous sommes bien loin d’êtres de riches rock stars. Mais nous apprécions toujours la compagnie des uns et des autres, et nous assurons toujours en concert. Tant que ces deux éléments seront présents, on se contentera juste de faire en sorte que tous les autres aspects marchent.

On a rencontré Ray de Downset, l’année dernière dans cette même salle. Il a joué devant 200 personnes. Et a dit qu’il serait stupide de ne pas faire le déplacement pour ces fans purs et durs. Qu’en penses-tu ?
Et bien, tu joues toujours des fans purs et durs. Les fans qui te suivent depuis des années. De temps en temps, tu as un hit sur MTV, tu as une grosse maison de disques derrière toi, et c’est cool quand ça se produit. Ca nous est arrivé. Mais ce n’est pas des choses que nous pouvons contrôler. L’important c’est de se faire plaisir lorsque l’heure du concert arrive. Bien sûr, notre message est sérieux, mais cela ne veux pas pour autant dire que nous ne pouvons pas prendre du plaisir et faire la fête. Pour moi, c’est tout à fait naturel de combiner ces deux choses. Bien que nous fassions la fête lorsque nous sommes en tournée, nous gardons toute notre attention sur ce qui doit être fait. Bien qu’on fasse la fête, on se doit d’être capable d’assurer notre job sur scène. Bien que cela soit aussi un moyen de faire la fête, bien sûr !
Et vous savez, beaucoup de groupes oublient cela. Ils rencontrent le succès et prennent cela pour acquis. Nous avons ce genre de syndrome parce que nous avons rencontré le succès rapidement au début de notre carrière. Dans un sens, nous sommes corrompus. On a été tenté de prendre ces choses comme acquises. Mais le fait de venir de Suède nous a aidé. En Suède, ce n’est pas parce que vous avez du succès, que vous gagnez beaucoup d’argent que vous êtes mieux que les autres. L’important c’est la personne que vous êtes. Votre fortune n’est pas basée sur le succès ou l’argent. Elle est basée sur la manière dont vous vous comportez envers les autres personnes. Bien sûr, il y a aussi des trous du cul parmi les Suédois, certains d’entre nous sont peut-être même des trous du cul à certaines occasions. Alors nous essayons tous de faire en sorte que cela fonctionne bien que cela soit difficile de passer d’un statut de grand groupe à un statut inférieur, ça je l’admets. Ce n’est pas toujours facile. Mais c’est là où nous en sommes, alors nous faisons au mieux de cette situation en espérant remonter les échelons un jour.
Mais sérieusement, c’est le business le plus merdique dans lequel on puisse être actuellement. Déjà, il y a le problème du téléchargement sur le net qui effraye les maisons de disques. Les gamins de 15 ans aujourd’hui n’achètent plus de cd. Ils téléchargent, écoutent, effacent et téléchargent à nouveau quelque chose d’autre. Je suis plus vieux, les gens de ma génération aiment les collections de cd. J’aime les booklets, pouvoir lire les paroles, mais je télécharge aussi. J’ai un paquet de musiques que j’ai téléchargé, mais j’ai aussi un gros paquet de cd traditionnels.

Est-ce pour cette raison que vous avez ajouté un Dvd à votre dernier album ? Pour inciter les gens à acheter cet album ?
C’était l’idée du label Nuclear Blast. Ils ont ainsi essayé d’apporter de la valeur au cd. Ils ont réalisé que le marché change. Donc si vous ajoutez des bonus à l’album, cela motive plus les gens à l’acheter. C’est très simple. C’est juste une tactique commerciale, ce n’est pas forcement mauvais, mais ça reste une tactique commerciale. Mais je pense que c’est positif. C’est une bonne chose, car vous avez ainsi une valeur ajoutée et vous en avez pour votre argent. Mais j’espère qu’un jour on pourra sortir un Dvd qui nous est propre. Un Dvd avec un concert complet, tous les clips au lieu de quelques-uns comme sur ce Dvd. Tu vois, c’est ce genre de Dvd qu’on voudrai sortir, inclure de vidéos backstage, de soirées, des interviews, etc… Ca serait cool de pouvoir sortir un Dvd avec des tonnes de vidéos et d’infos en même temps.

Avez-vous participé à l’élaboration de ce Dvd ?
Alors bien sûr, on a approuvé le choix de la vidéo du festival. Mais c’est dommage qu’il n’y est pas la totalité des clips que nous avons tournés. C’est un problème de droits, car nous avons eu différentes maisons de disques dans notre carrière. Donc je crois qu’il doit y avoir 8 clips parmi les 11 que nous avons fait. Tout ça pour une connerie de droits. Mais je pense que c’est quand même un bon Dvd. Et pour tous ceux qui n’ont jamais eu l’occasion de nous voir en live, c’est un assez bon avant goût.

Et pour ce qui est du concert en lui-même ?
C’est un très bon concert. Pas le meilleur que nous ayons jamais fait, mais un bon show quand même. On a approuvé ce choix, malgré les quelques problèmes de son, le fait que ça se passe en tôt dans l’après midi et surtout malgré que nous ayons passé une très courte nuit auparavant. Nous participions la veille à un festival au Portugal, nous avons eu droit à une heure de sommeil avant de prendre l’avion pour ce rendre sur ce festival. Mais finalement, ce ne sont que des problèmes de commodité. C’est pour cela que je suis dur à propos de ce concert car je connais l’histoire derrière ce concert, et le fait que nous étions vraiment crevés. Mais je pense que cela ne se voit pas sur la vidéo, car encore une fois, nous nous donnons toujours à fond sur scène. Mais attention, ça reste quand même un très bon concert.
Une bonne chose aussi sur cette vidéo, c’est que la captation vidéo est très bonne. Toutes les équipes de tournages présentent sur les festivals n’ont pas toutes cette capacité à bien saisir un groupe en action, et à effectué un montage spécifique pour chaque groupes. Certains se contentent juste de faire leur boulot. Mais ici, les personnes derrière les caméras connaissaient notre manière de bouger et de faire.
Je parle beaucoup mais c’est parce que je suis bourré … (Rires)

Tu parlais du plaisir que vous preniez à être sur scène, et je crois que c’est vraiment quelque chose d’unique chez vous. Les gens voient que vous vous faites plaisir, et vous avez cette capacité à transmettre cet enthousiasme à la foule. Tous les groupes ne sont pas capables d’une telle chose.
Spécialement si vous aimez les groupes de death métal vous devez paraître durs ! Je pense qu’il nous a fallu plusieurs années mais je pense que l’on peut combiner ces deux choses. C’est simple à faire, ce n’est que de la communication. Je veux dire, il suffit de regarder les fans qui ont payé pour vous voir jouer. Si c’est nécessaire, il ne faut pas hésiter à descendre dans la fosse avec les fans, les laisser chanter dans le micro. Ce sont des choses simples, ça ne demande pas d’énormes efforts de notre part. Mais ça compte. Il suffit juste de regarder les gens, leur sourire, essayer de leur faire passer un bon moment au concert. Et si les fans veulent monter sur scène, c’est cool, tant qu’ils font attention à notre matériel et qu’ils ne squattent pas trop longtemps la scène pour devenir embêtant. Vous voyez, des choses aussi simples que ça !

A propos de votre nouvel album “Hate Yourself With Style”, quelle a été de manière générale l’accueil de fans et des médias ?
Ca a été assez mitigé. Je pense que ça a toujours été le cas en ce qui nous concerne. A part peut-être au début de notre carrière quand nous étions ce nouveau groupe cool. Au début les gens mentaient, ils disaient que c’était bien alors qu’ils n’en avaient rien à foutre. C’est ce qui se passe quand vous commencez à connaître le succès. Tout le monde tente de se raccrocher à vous en prétendant vous aimer. Et il y a environ 30 % des fans qui aiment ce que vous faites sans vraiment y comprendre grand chose, mais comme vous êtes populaire, ils essayent de profiter de cette attention. C’est donc dans ces cas-là que le fait de ne pas être un groupe important est un avantage. Les gens qui viennent nous voir sont tous de vrais fans. Ce n’est pas le cas des gros groupes, et c’est pour cette raison que certains d’entres eux choisissent de se séparer de leur public. Parce qu’ils savent qu’il y a énormément de personnes qui ne sont pas là pour les bonnes raisons. Il devient alors difficile d’agir de manière simple avec son public, descendre dans la fosse et discuter avec les gens. Car certains cherchent juste à discuter avec quelqu’un de connu, peu importe ce qu’il fait. Car cela ne s’applique pas simplement aux groupes de musique, à partir du moment où quelqu’un rencontre du succès dans n’importe quel domaine, il trouvera toujours des personnes tentant d’attirer son attention. Je comprends donc des groupes comme Metallica, ils doivent se détacher sinon ils se font bouffer. Enfin bref, c’est un business vraiment merdique, mais en même c’est le meilleur job qui soit, alors…

Depuis le départ d’ Erlend, Hanke et Andre sont de plus en plus impliqués dans le groupe.
Andre est avec nous depuis le début. Hanke nous a rejoint en 1997. Erlend nous a quitté car depuis 2 ou 3 ans, il n’appréciait plus d’être dans un groupe. Et quand une personne n’est pas heureuse, il devient alors difficile d’avancer. C’est comme si un navire essayait de quitter le port alors que l’ancre est toujours jetée. Il aimait toujours être sur scène, mais tout ce qui allait autour ne lui convenait plus, les tournées, être loin de chez sois, toujours sur les routes dans un bus. Mais il faut savoir faire des compromis. Et l’esprit d’équipe est primordial, et Erlend n’avait malheureusement pas l’esprit d’équipe. Il voulait que tout soit selon ses convictions. Nous n’avons donc pas été surpris quand il a décidé de quitter le groupe. Et là soudainement, nous avions de nouveau tous le même but. Plus rien ne pouvait nous arrêter, tout le processus d’enregistrement d’un album, d’être un groupe unis, devenait alors bien plus simple. Ca a aussi changé la manière dont nous composons. Jocke, a pris plus d’importance dans la composition. Tout est devenu plus spontané, nous avons pris tout à coup plus de plaisir.
Je veux dire, la vie continue. On a jamais pensé à arrêter le groupe quand il est parti. Pour moi, ça n’a pas fait grande différence. Car à la fin, il ne participait plus beaucoup dans le processus de composition ni dans la vie du groupe. Je lui souhaite le meilleur dans sa nouvelle carrière d’informaticien. Je sais que maintenant il a un job stable, félicitation ! C’est ce qu’il voulait. Il voulait des horaires fixes, la sécurité, pouvoir être chez lui avec sa femme. C’est légitime, si c’est ce qu’il souhaitait alors il devait le faire.

Ca a donc changé votre manière de composer...
Bien sûr. Comme je disais, tout est devenu plus spontané. Tout le processus c’est fait de manière plus relax. Et puis, c’était une opinion de moins à prendre en compte. Je veux dire, tout à coup nous n’étions plus que 3 à composer. Avec 4 personnes, il fallait toujours trouver des compromis. Dorénavant, celui qui apporte le morceau, le fini. Les autres disent ce qui ne leur plait pas, et on arrange ça. Et ça roule bien mieux comme ça. Il y aura toujours des personnes qui penseront que cet album est moins bon que le précédant, mais c’est ainsi. Et nous prenons beaucoup plus de plaisir ainsi.

Vous avez sorti un best of l’année dernière, peux-tu nous en parler ?
Et bien je n’ai pas grand chose à dire à part le fait que nous n’y sommes pour rien. Nous n’avons pas été impliqués dans cette sortie. C’est notre ancienne maison de disque qui s’en est chargé, celle chez qui nous avons sortis nos 3 premiers albums. Ils ont fait cela car ils savaient que nous avions un nouvel album qui sortait sur notre nouveau label. Ils ont simplement voulu surfer sur cette vague pour vendre des albums. Ils ne nous ont pas contactés pour que l’ont écrive des notes, ajouter des photos ou d’autres choses. Donc bien que je sois content que ce best-of soit sortit parce que se sont nos chansons, je suis énervé parce qu’il n’y a aucun bonus, pas de b-sides ni de remix. Il n’y a aucune valeur ajoutée pour les fans, et ça me fou les boules !

Et vous avez ce types de bonus ?
Bien sûr. On a des tas de b-sides et de remix. J’aurais aussi aimé écrire des notes sur les morceaux, la manière dont ils ont été faits, etc… Mais ils ne nous ont rien demandé. C’est pour cette raison que j’ai les boules. Ils auraient dû s’intéresser un peu plus à ce qu’ils faisaient. C’est une des choses pourries dans ce business, c’est un business. Mais ce qu’ils ne réalisent pas, c’est que s’ils avaient ajouté des bonus, rendu ce best-of plus attractif, ils en auraient vendu plus.

Lors de notre dernière interview, tu disais que le fait d’être sur une major n’était pas forcément la meilleure chose qui soit pour Clawfinger. Penses-tu avoir trouvé le bon label avec Nuclear Blast ?
C’est assez difficile à dire. Car c’est encore assez récent. De plus c’est aussi une major. La différence c’est que c’est une major qui travail uniquement sur un style de musique. Donc au moins ils travaillent sur un terrain qu’ils connaissent bien. Mais en fait, nous sommes assez différents des autres groupes de leur catalogue. En fait, nous sommes probablement le groupe le plus commercial qu’ils possèdent. En comparaison d’autres groupes on est vraiment facile d’accès. Mais quoi qu’il en soit, c’est un label de métal, ils connaissent la scène métal. Ils ont des street teams et d’autres choses. On peut dire qu’ils ont une approche plus concrète de la musique. Et je pense que ça aide. Je ne suis pas encore sûr que ce soit le bon label, je ne suis même pas sûr que nous devrions être sur un label, peut-être qu’on devrait tout faire nous-même. Je ne sais vraiment pas pour l’instant. C’est encore trop tôt. Reposes-moi la question dans 6 mois, on verra bien.

Qu’est ce qui se cache derrière le titre de votre album “ Hate Yourself With Style” ?
C’est la manière dont nous nous comportons en tant qu’être humains. Nous prétendons être des personnes que nous ne sommes pas. Nous tentons de vivre selon des standards qui ne nous correspondent pas. Mais nous ne voulons pas le montrer. On a ces stupides masques, et tentons de faire croire que nous sommes heureux alors qu’il n’en est rien. Voilà ce que signifie pour moi ce titre. Mais je suis sûr que pour certains, ça peut signifier quelque chose de complètement différent.

Cette fois-ci vous avez produit cet album par vous-même. Pourquoi un tel choix ?
En fait nous en parlons depuis notre deuxième album. Mais nous n’avons jamais eu les couilles de le faire. C’est principalement la réponse à ta question. Jocke, notre clavier, a fait du très bon travail ces derniers temps en produisant des groupes suédois. On fait des remix pour Rammstein depuis des années. On sait faire ce genre de choses. Il est juste question d’avoir assez confiance en soit pour se lancer. Et pour cet album, nous avons décidé qu’il était temps. Il n’y a pas d’autres secrets derrière tout ça. Nous avons simplement pensé qu’après toutes ces années, nous étions assez matures pour le faire.
C’est vraiment différent de nos albums précédents, plus basic, moins de claviers, mais nous sommes très satisfaits du résultat.

Donc vous pensez avoir fait le bon choix ?
Oui je pense que nous avons fait le bon choix. Ce qu’il y a, c’est que tu ne peux jamais être totalement satisfait de ton travail sur tes propres productions. Dès que tu as fini, tu entends toujours des choses que tu voudrais changer. Mais il faut vivre avec, et tenter de faire mieux la fois suivante. C’est ce qui te permet d’avancer. C’est un cliché, je sais, mais c’est vrai. Le fait de n’être jamais complètement satisfait te permet de faire toujours mieux.

Tu parlais du type de Dvd que tu voudrais faire pour Clawfinger, avez-vous des plans pour une éventuelle sortie ?
Il faut que ce soit le bon timing tu sais. Et je ne pense pas que ce soit le cas actuellement. On est en train de remonter la pente. J’espère qu’on sera là assez longtemps pour pouvoir en sortir un, un jour. Seul le temps nous le dira. Mais maintenant ce n’est pas le bon moment.

Tes paroles ont toujours été très fortes, te considères-tu en quelques sortes comme un porte-parole ?
Non. J’ai toujours aimé des groupes comme les Dead Kennedys, les Sex Pistols, Public Enemy, et d’autres groupes qui ont toujours eu un discours très fort. Et c’est comme ça que j’essaye d’écrire, c’est comme ça que j’aime écrire. Bien sûr, le milieu hippy dans lequel j’ai grandi y est certainement pour beaucoup. Mais ce n’est pas quelque chose de calculé, je ne sais simplement pas faire autrement. J’essaye simplement de dire les choses auxquelles je pense, les choses qui me révoltent, que ce soit l’homophobie, le racisme… Le problème n’est pas de trouver un sujet, c’est d’écrire des paroles que je sens justes. Et c’est un problème car je suis rarement satisfait !

La dernière fois tu disais que les Français faisaient souvent de grosses grèves. Quelle a été ta réaction lorsque tu as vu les récent évènements, les grèves et les émeutes ? Je pense que tu as dû voir ça à la télévision...
Oui, c’était partout aux informations. Je pense que c’est bien, mais en même temps c’est étrange parce que les Français semblent être des personnes très relax, posées, buvant du vin, fumant un joint en écoutant du reggae ou du rap. Vous avez aussi cette réputation d’être des révolutionnaires. Et je pense que c’est bien. Parfois je ne pense pas que la protestation soit la meilleure solution. Avec Jocke on est allé à cette grande manifestation le mois dernier à Stockholm pour le contrôle de la vente d’armes dans le monde. Et il s’est avéré qu’il n’y avait personne. On était supposé se rendre là-bas et se montrer comme des sortes de célébrités pour soutenir le mouvement. Cette manifestation avait été programmée depuis des mois, mais personne ne s’est déplacé. Et c’est peut-être ça le problème. Alors qu’en France, tout a été improvisé, les gens sont sortis et ont protesté. Ici, vous bouillonnés à l’intérieur, vous êtes tellement en colère que vous sortez et tentez de faire bouger les choses. Mais je reste assez mitigé parce que je pense que la meilleure chose est l’approche non-violente. J’espère que ça a fait une différence. Mais c’est assez triste que les choses en soient arrivées à un tel point. Ca m’a quand même fait plaisir quand j’ai vu ça aux infos car c’est vraiment réel. Il n’y a pas de grands plans derrière tout ça, personne ne tire les ficelles, c’est juste basé sur une émotion spontanée de la part de personnes qui sont très insatisfaites de la manière dont se passent les choses.

Revenons-en à Clawfinger. Avez-vous déjà joué aux Etats-Unis ?
Non. Ca ne peut pas marcher là-bas car nous avons une chanson dont le titre est « Nigger ». Une bande de petits blancs qui chantent une telle chanson alors qu’aucun de nous n’est noir, ce n’est pas possible là-bas. Peut-être que maintenant ça serait possible, car cette chanson est sortie depuis bien longtemps. Mais la situation raciale est si compliquée là-bas que ça en devient très difficile.

Vos albums sont-ils distribués là-bas ?
Non. En fait seulement notre dernier album est distribué car il est sorti chez Nuclear Blast qui est bien développé là-bas. Mais vous savez, je ne pense pas qu’il se produise grand chose là-bas pour nous. Déjà, pour que cela puisse marcher là-bas, il faudrait y aller et tourner comme des fous. Et le problème est que nous devenons vieux. La majorité d’entre nous ont des familles. Et il faudrait probablement 3 ou 4 mois de tournée non-stop pour juste se faire remarquer. Et tant que personne ne nous dira que nous pouvons amener nos familles avec nous, personne ne sacrifiera sa famille d’avantage. Nous ne sommes plus assez affamés. On ne peu plus faire ça. Je ne peux plus vivre sans voir mon fils pendant 5 ou 6 mois. Ce n’est plus possible. Désolé. Si c’est le prix à payer pour les Etats-Unis et bien tant pis. Si ça c’était produit en 1995, je l’aurai fais sans la moindre hésitation. Mais plus maintenant. Mais j’aimerai quand même pouvoir aller jouer à New York et dans quelques autres endroits. Et je pense que les Américains seraient surpris de voir ce que nous avons à leur offrir. Parce que les groupes américains ont cette attitude rock stars, alors que ce n’est pas vraiment le cas pour nous. Nous ne sommes pas très bons à ce jeu là. Ce serait donc une expérience intéressante. Mais tourner pendant des mois et des mois là-bas, non ! C’est trop tard, je suis trop vieux !!!

Je n’ai jamais vraiment écouté la musique de Rammstein. Je ne les ai découverts que l’année dernière, alors que j’écoute Clawfinger depuis 13 ans. Pour moi, ils se sont fortement inspirés de votre musique. Penses-tu que vous ayez eu une grande influence sur eux à leurs débuts ?
Je sais que nous avons eu une influence sur eux. C’est même eux qui nous l’ont dit. Ils ont même choisi le même producteur que nous pour le premier album parce qu’ils aimaient le son de guitare de notre premier album. Ce n’est plus un secret. C’est sûr que pour ce qui est des sons de guitares, des riffs, c’était très similaire. Mais je pense que ce qu’ils font reste très différent dans l’approche musicale. Ils ont choisi une approche bien plus risquée, chanter en allemand, porter des uniformes... Ils jouent sur la provocation. Ils s’en servent et je trouve ça intéressant. Parceque par le passé, les Allemands n’avaient pas le droit de s’exprimer sur le passé, spécialement sur la seconde guerre mondiale et toute l’histoire du nazisme. Et ces mecs se servent beaucoup de toute cette symbolique pour faire réagir les gens. C’est intéressant et je pense qu’ils le font plutôt bien. Certaines fois ils vont un peu trop loin, mais je sais de manière sûr que ces mecs sont à l’opposé de l’idéologie nazie. C’est la première chose que nous avons vérifié en 1995 quand ils ont ouvert sur notre tournée. Nous avons fait traduire leurs paroles et nous sommes renseignés sur qui ils étaient. Car bien évidemment nous ne voulions pas un groupe nazi avec nous sur les routes. Et nous avons vite compris qu’ils jouaient avec toute cette symbolique. Ces mecs ont grandi en Allemagne de l’est, ils sont donc à l’opposé de ces idées. Je ne sais pas pourquoi ils ont agis ainsi, mais je pense que c’est pour créer des réactions.

C’est un peu la même attitude que vous avez eu quand vous avez écris le titre « Nigger » ?
Oui peut-être. C’était même plus provocant. A l’époque, nous n’étions pas assez intelligents pour réaliser que nous étions provocants. L’important était plus d’être honnête, de dire exactement ce que l’on pense sans prendre en considération si l’on va offusquer les gens. Peut-être qu’aujourd’hui j’aurai écris ces paroles différement, mais ce n’est pas sûr. Mais à l’époque, en 1991, c’était ma manière de faire. J’ai grandi en écoutant des groupes comme Public Enemy, NWA, je me demandais toujours pourquoi ils utilisaient ce mot. Et j’imagine que les gens ont trouvé ça stupide pour un petit mec blanc de Scandinavie d’avoir ces pensées. Mais comme c’était ce que je pensais, je les ai écrites. Nous savons ce que nous voulons dire, donc il n’y a pas de problèmes. Si les gens ne comprennent pas, nous leur expliquons et ils réalisent ainsi que nous ne sommes en aucun cas raciste.

Avez vous eu de mauvaises expériences sur scène en jouant cette chanson ?
Je dirai que dans 99 % des cas, il n’y a jamais eu aucuns problèmes. Je dirai que lors de certains concerts, il est arrivé notamment en Suède, qu’il y est des skinheads dans la salle qui se sont mis à nous jeter des bouteilles lorsque nous avons dit qu’il s’agissait d’une chanson anti-raciste. Mais rien de bien méchant. Quelques fois, des personnes se sont dit «  C’est quoi cette chanson ? Qu’est ce que vous dites ? ». La chose amusante c’est que les personnes offensées ont toujours été des personnes blanches et non noires. Mais tant que vous savez ce que vous voulez dire, c’est toujours facile de discuter avec les gens qui ne vous comprennent pas. Donc pour répondre à ta question, il y a eu quelques occasions où ça c’est mal passé, mais très peu. Cela prouve que la plupart des gens ont un cerveau et qu’ils savent comprendre des paroles !

Pour conclure, quels sont vos plans pour les mois à venir ?
Et bien, il nous reste 10 dates à faire en France. Ensuite, nous rentrons chez nous, 2 semaines de vacances avant de partir pour une tournée de trois semaines en Russie, Finlande, Norvège, Suède, Danemark. Et puis quelques festivals en Allemagne et en Suisse. Pas autant de festivals que j’aurai voulus, mais peut-être que d’autres vont s’ajouter d’ici là. Ensuite nous verrons. Peut-être continuerons-nous à tourner ou alors nous commencerons à enregistrer de nouveaux morceaux. Ca dépendra de ce qui se passera au niveau commercial. Nous verrons bien.

J’espère que vous travaillerez prochainement sur un nouvel album !
Donc ce que tu veux dire, c’est que tu souhaite que cet album ne se vende pas ! (Eclat de rires). J’adorerai enregistrer un nouvel album mais en même temps, j’aimerai que cet album se vende pour pouvoir continuer à tourner. La meilleur des choses serait de pouvoir faire les deux en même temps je suppose. Mais c’est difficile de trouver du temps pour écrire des morceaux en tournée. Car vous êtes toujours soit dans les loges, soit en balance, soit dans le bus. Il n’y a pas beaucoup de moments où vous pouvez vous poser et vous concentrer sur l’écriture. Certains groupes le font très bien, mais pas nous !

Vous avez déjà des idées pour le prochain album ?
Bien sûr. On a toujours des idées en réserve, des riffs, des paroles. Mais c’est difficile en tournée de trouver le temps d’arranger tout ça !

On remercie Julien et la team Dirty 8 pour toute leur aide.

Interview Pierre & Manu
Traduction Pierre


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